Alimentation bio – Moins de risque de cancer
Les consommateurs réguliers d’aliments bio « présentent un risque moindre de 25 % de développer un cancer, par rapport aux non-consommateurs ou aux consommateurs épisodiques », suggère une étude NutriNet-Santé, publiée le 22 octobre 2018 dans le magazine JAMA Internal Medicine. Le lien est « particulièrement marqué » pour les cancers du sein en post-ménopause (-34 % de risque) et les lymphomes (-76 %).
Malgré l’enjeu de santé publique, il existait jusqu’à présent une seule étude épidémiologique de grande ampleur, britannique, étudiant le lien entre bio et cancer. Une équipe française (1) vient d’en publier une deuxième, qui montre une « association » probable entre une alimentation à base de produits biologiques et la réduction du risque de déclencher cette pathologie. Les résultats de cette étude s’appuient sur un échantillon de 68 946 personnes de la cohorte NutriNet-Santé suivies entre 2009 et 2016. La nature de leur alimentation, bio ou conventionnelle, a été renseignée au cours de ces sept années de suivi. Toujours au cours de cette période, 1 340 d’entre elles ont déclaré un premier cancer.
Les chercheurs avancent deux hypothèses. Tout d’abord, les résidus de pesticides moins fréquents et à dose moindre dans les aliments bio, comme nous l’avons montré dans tous nos tests, entraînant une plus faible exposition des consommateurs réguliers de produits bio. Or, depuis 30 ans, les études suggérant un lien entre pesticides et certains cancers s’accumulent progressivement, comme nous l’expliquions.
Autre hypothèse : les teneurs potentiellement plus élevées, dans les aliments biologiques, en certains nutriments comme les antioxydants, les polyphénols, les caroténoïdes, la vitamine C, ainsi que des profils d’acides gras plus bénéfiques. L’étude souligne néanmoins que ces variations sont modestes, et que leurs conséquences sur la santé « restent à déterminer ». Cette hypothèse nous semble un peu moins convaincante. En effet, il ressortait de tests réalisés en 2010 par Que Choisir que ces teneurs sont davantage dues au mode de culture ou d’élevage intensif ou extensif qu’au mode bio ou non bio.
Des biais possibles
De multiples facteurs influencent la survenue ou non d’un cancer. L’équilibre alimentaire en est un, en particulier les apports en fibres, la quantité de viande, de charcuterie ou de fruits et légumes ingérés, mais aussi la consommation d’aliments ultratransformés et de compléments alimentaires. La catégorie socio-économique et l’hygiène de vie (consommation de tabac ou d’alcool, exposition au soleil, activité physique…) ou encore les antécédents familiaux sont d’autres éléments potentiellement déclencheurs. Autant de biais possibles. Pris en compte dans l’étude, ces critères ont néanmoins peu modifié les résultats.
Les chercheurs évoquent eux-mêmes plusieurs « limites », en particulier le mode de recrutement, volontaire et par Internet, de la population suivie dans NutriNet-Santé : ces personnes ont tendance à prendre davantage soin de leur santé et sont mieux informées que la moyenne des Français. L’incidence des cancers de l’échantillon est d’ailleurs inférieure à la moyenne nationale, y compris chez les non-consommateurs de bio. Il manquerait donc dans l’étude le suivi des comportements les plus à risque, et la corrélation entre alimentation et cancer est probablement sous-estimée !
Autre limite citée, la quantité d’aliments bio n’est pas mesurée précisément, pouvant engendrer une approximation de la part du bio chez les consommateurs occasionnels. Pour Emmanuelle Kesse-Guyot, directrice de recherche à l’Institut national de la recherche agronomique (Inra) et l’une des auteures de l’étude, ce n’est finalement pas un problème, car « l’intérêt était de comparer les deux extrêmes – les gros consommateurs et les non-consommateurs. Les profils intermédiaires permettant surtout de vérifier la progressivité des résultats ».
Malgré ces restrictions, ces résultats s’ajoutent à d’autres travaux allant dans le même sens. Sachant le caractère multifactoriel du cancer et les polémiques autour des pesticides, les chercheurs se sont néanmoins entourés de toutes les précautions pour rendre leurs conclusions. Ils rappellent que « le lien de cause à effet ne [peut] être établi sur la base de cette seule étude », et estiment qu’il faut maintenant les « confirmer par d’autres études épidémiologiques » avant de mettre en place des mesures de santé publique.
(1) Réalisée par une équipe mixte de l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm), l’Institut national de la recherche agronomique (Inra), l’université Paris 13 et la Caisse nationale d’assurance maladie (Cnam).