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Fraudes à la viande de cheval – Le procès s’ouvre enfin

À partir d’aujourd’hui, on va parler « barbaque » au tribunal de grande instance de Paris. En effet, le procès de l’affaire de la fraude à la viande de cheval vendue comme viande de bœuf, qui a éclaté il y a 6 ans, s’ouvre ce lundi pour une durée de 12 jours. L’UFC-Que Choisir s’est constituée partie civile en janvier, au motif de l’atteinte à l’intérêt collectif du consommateur. Rappel des faits.

L’affaire des « lasagnes de cheval » éclate en Irlande en janvier 2013, quand les autorités sanitaires britanniques font analyser des steaks hachés vendus en grande surface (1). Surprise : en lieu et place de bœuf, il s’agit de cheval ! Le scandale prend rapidement une ampleur européenne, quand le géant agroalimentaire suédois Findus fait contrôler ses lasagnes à la bolognaise, qui s’avèrent également contenir de la viande équine. Les regards se tournent vers son fournisseur français, Comigel (devenu depuis CookUp Solutions). Ce dernier se retourne vers sa filiale luxembourgeoise Tavola, qui met à son tour en cause son propre fournisseur, l’entreprise française Spanghero (à l’époque filiale de la coopérative agricole Lur Berri). Les enquêteurs de la Répression des fraudes (DGCCRF) mettent alors au jour un montage complexe menant de Roumanie au Luxembourg, via les Pays-Bas, Chypre et la France. Par la même occasion, les consommateurs découvrent, ahuris, l’ampleur des circuits de commercialisation de la viande en Europe.

 

Changement d’espèce

En l’espace d’un an, de février 2012 à février 2013, plus de 750 tonnes de viande – appelée « minerai » par les professionnels – ont changé d’espèce entre leur départ de Roumanie et leur incorporation dans divers plats préparés. Des chevaux de réforme étaient abattus en Roumanie, puis expédiés vers des entrepôts frigorifiques de la société de trading Windmeijer Meat Trading, aux Pays-Bas. Puis la viande passait sous la propriété de Draap Trading, une société également dirigée par un trader néerlandais et domiciliée à Chypre. Enfin, la viande était livrée chez Spanghero, à Castelnaudary (Aude). C’est là que le changement de nature, mais aussi de nationalité, semble avoir été réalisé : il suffisait de remplacer les étiquettes sur les lots, et le tour était joué, le cheval roumain devenait bœuf français.

 

4,5 millions de plats préparés

Sur les 750 tonnes, les deux tiers ont été vendus à Tavola, et le tiers restant utilisé par Spanghero pour ses propres fabrications. Les plats élaborés tels que des lasagnes, du hachis parmentier, de la moussaka, etc., étaient destinés à différents clients, à l’instar de Comigel. Ce dernier fournissait à son tour de nombreux clients, tels que Findus ou William Saurin, mais aussi les distributeurs Carrefour, Casino, Système U, Cora, Auchan, Monoprix, Aldi, Picard, dans plusieurs pays européens. Environ 4,5 millions de plats préparés auraient donc été livrés dans treize pays, dont le Royaume-Uni, l’Irlande, la France, l’Allemagne, l’Autriche, la Suisse, la Suède, la Norvège.

À la faveur de cette escroquerie, d’autres fraudes portant sur de la viande de cheval ont été révélées à travers l’Europe, de la part de différents négociants ou industriels. Ce qui met en évidence l’insuffisance des contrôles et des sanctions, comme nous le rappelions en 2013.

 

Quatre inculpés

Dans l’affaire Spanghero, quatre personnes sont aujourd’hui poursuivies en correctionnelle pour « escroquerie en bande organisée » et pour « tromperie sur la nature, la qualité substantielle, l’origine et la quantité » de la viande : l’ancien dirigeant de Spanghero Jacques Poujol, son directeur Patrice Monguillon, ainsi que deux traders néerlandais, Johannès Fasen (société Draap Trading) et Hendricus Windmeijer (société Windmeijer Meat Trading BV). Certains n’en sont pas à leur coup d’essai : la société Draap avait déjà été épinglée pour avoir vendu de la viande de cheval en tant que bœuf halal…

Étiquetage de l’origine des viandes

Cette affaire des « lasagnes de cheval » a relancé le débat sur la traçabilité et l’origine des viandes utilisées dans les produits transformés. Pour rétablir la confiance des consommateurs, la France a plaidé auprès de l’Union européenne (UE) pour l’instauration d’un étiquetage de l’origine des viandes – une revendication de longue date de l’UFC-Que Choisir – mais plusieurs États membres se sont opposés à une mesure obligatoire.

La France a néanmoins obtenu de mettre en place un étiquetage à titre expérimental à partir de janvier 2017 (ce test vient d’être reconduit jusqu’au 31 mars 2020) : l’origine des viandes dans les produits transformés contenant plus de 8 % de viande, ou du lait dans les produits laitiers contenant plus de 50 % de lait, doit être indiquée sur l’emballage. Le ministère de l’Agriculture souligne que d’autres États membres nous ont emboîté le pas (2), et qu’une initiative citoyenne en ce sens a également été enregistrée par la Commission européenne.

Le long voyage de la viande de cheval

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Chemin parcouru par les cargaisons de viande de cheval, depuis l’abattage des animaux en Roumanie jusqu’au Luxembourg.

 

(1) Il s’agissait de viande équine d’origine polonaise, constituant une autre fraude que l’affaire Spanghero. Mais les analyses réalisées par Findus suite à cette alerte permettent de détecter la présence de viande de cheval au lieu de bœuf dans ses produits.
(2) La Grèce, l’Espagne, la Finlande, la Lituanie et le Portugal pour le lait, et l’Italie pour le riz, le blé dur, la tomate et le lait.

 

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