Huiles d’olive – À nouveau pointées du doigt
La qualité des huiles d’olive revient une nouvelle fois sous les projecteurs. La cause : les résultats alarmants du dernier rapport annuel de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF).
La publication récente des résultats du plan de contrôle annuel mené en 2016 par la Répression des fraudes (DGCCRF) a fait l’effet d’une bombe. Et pour cause : il pointait un taux de près de 50 % de non-conformité des échantillons d’huiles d’olive analysés. Un résultat largement repris par la presse nationale et qui jette un discrédit sur un produit pourtant plébiscité par les nutritionnistes et les consommateurs, tant pour ses qualités organoleptiques que nutritionnelles. Les résultats du dernier test comparatif de Que Choisir sur 15 huiles d’olive bio vierges extra révélait un nombre de dérapages du même ordre (6 produits sur 15 ne méritaient pas la dénomination vierge extra).
L’or vert serait-il victime de son succès ? L’explosion de la demande et la valorisation du litre d’huile d’olive (3 à 4 fois supérieure à celle des huiles végétales pour les produits d’entrée de gamme, et jusqu’à plusieurs dizaines d’euros pour les grands crus) a de quoi attiser les convoitises et les pratiques frauduleuses. En 2013, un rapport du Parlement européen plaçait d’ailleurs l’huile d’olive dans le « top 10 » des produits alimentaires les plus souvent victimes de fraudes.
Pour autant, les conclusions du rapport de la DGCCRF sont plus nuancées. Les 286 établissements visités et les 139 échantillons prélevés l’étaient de façon ciblée, ce qui signifie que les inspecteurs détenaient des informations les concernant (contrairement au panel de Que Choisir qui avait été prélevé au hasard dans les rayons des grandes surfaces). Il est donc logique que le taux d’infractions soit élevé. Mais, note la DGCCRF, « ces non-conformités ne sont pas représentatives de la réalité du marché ».
De plus, la grande majorité des non-conformités concernait l’étiquetage et non la qualité sanitaire du produit lui-même. Parmi les problèmes relevés on trouve, par exemple, l’absence d’indication de l’origine ou des conditions de conservation, l’absence ou un allongement frauduleux de la date de durabilité minimale (DDM), mais aussi des indications fantaisistes telles que « provenant des meilleurs terroirs européens » ou encore l’omission de l’adresse du fabricant.
Des cas graves
Les résultats des analyses chimiques et sensorielles réalisées par le laboratoire des fraudes ont cependant révélé quelques cas graves de tromperie sur la marchandise. Ainsi, une huile déclassée en « lampante » (c’est-à-dire destinée à l’alimentation des lampes à huile et donc impropre à la consommation) a fait l’objet d’un arrêté préfectoral de destruction. Deux autres arrêtés ont été adressés à deux grossistes alimentaires pour leur imposer le rappel et la destruction d’huiles commercialisées sous la dénomination « huile d’olive vierge extra » alors qu’il s’agissait d’un mélange d’huiles végétales. Un échantillon présentait également des résidus de pesticide alors que l’étiquette proclamait une absence de « résidus de traitement ».
Non-conformité plus vénielle mais bien plus fréquente, l’usurpation de la mention vierge extra pour des huiles qui ne remplissent pas l’ensemble des critères à la fois physico-chimiques et organoleptiques exigés pour cette qualification, en particulier l’absence de défauts gustatifs, tels que « moisi », « rance » ou « métallique ». Ces huiles auraient donc dû être déclassées en catégorie « vierge ». Si leur consommation ne présente pas de risque pour la santé, cette usurpation met à mal la confiance des amateurs d’huile d’olive « vierge extra » confrontés à des produits médiocres.
Au final, les services de la DGCCRF ont dressé 17 procès-verbaux pour « défauts d’étiquetage », 39 injonctions de « mise en conformité de l’étiquetage » et 71 avertissements pour « étiquetages non conformes ». « Le taux de non-conformité reste à un niveau très élevé dans le secteur des huiles d’olive depuis plusieurs années. La communication sur l’origine des huiles d’olive vierges et vierges extra imposée par la réglementation de même que les contrôles réguliers demeurent en conséquence pleinement justifiés », concluait le rapport de la Répression des fraudes.
Il souligne également qu’une grande partie de ces irrégularités concernent des huiles importées. Or, on consomme en France plus de 100 millions de litres d’huile d’olive par an, alors que la production nationale ne représente que 4,5 millions de litres dans les meilleures années. Autant dire que 95 % des huiles d’olives vendues en France sont importées et assemblées, quels que soient les circuits de distribution ou les marques commerciales et leur marketing.
L’origine en question
Face à la conjonction d’une demande mondiale qui explose et à la pénurie sévère d’olives causée par une mouche vorace qui décime les fruits sur l’olivier, la production des bassins traditionnels d’approvisionnement (Italie, Espagne, etc.) stagne, voire s’effondre certaines années alors que les pays du Maghreb, moins touchés par l’épidémie, augmentent la leur exponentiellement.
Et c’est sans doute là que le bât blesse. De plus en plus d’huiles sont importées de pays méditerranéens où les critères de classement ne sont pas homogènes avec les nôtres. Ces produits sont plus fragiles et plus sensibles aux déviations aromatiques (goût de rance, moisi, métallique, etc.). La tentation est donc grande pour certains opérateurs de jouer avec le feu et de « corriger » un lot médiocre en l’assemblant avec un lot de qualité correcte pour rester dans les clous et obtenir la qualification « vierge extra ». Mais la qualité d’une huile ne dépend pas que du producteur. Elle dépend aussi du distributeur et des conditions de transport et de stockage. C’est un jus de fruit sensible à la lumière, à la chaleur et à l’oxygène, qui peut rancir très vite, et ces lots « améliorés » artificiellement sont aussi les plus rapides à perdre leur qualité organoleptique (et leur classification).
Le consommateur doit redoubler d’attention
La loi interdisant à la DGCCRF de divulguer le nom des produits épinglés, c’est au consommateur de mieux lire les étiquettes, d’être attentif, en particulier, à la date de durabilité minimale (DDM) et à l’origine de l’huile qu’il achète. On trouve en effet sur les étiquettes les mentions « origine UE » ou « origine UE et non UE », or plus l’indication de l’origine est floue, plus le taux de non-conformité augmente. Pour leur part, les marques industrielles françaises (Puget, Lesieur ou Maille), même si elles importent aussi la quasi-totalité de leurs produits, ont des processus de contrôles sévères qui leur garantissent la mise sur le marché de produits homogènes, mais sans grande qualité organoleptique. C’est plutôt dans les circuits parallèles aux prix alléchants, que se retrouvent le plus de produits non conformes. Il est donc plus sûr de se tourner vers les appellations d’origine protégées françaises ou européennes (Espagne, Italie ou Grèce) qui proposent des produits plus typés et qui doivent répondre à un cahier des charges précis.
Enfin, quelques producteurs, comme Château de Montfrin (classé plusieurs fois « meilleur choix » dans les tests de Que Choisir) ou plus récemment Alexis Muñoz huiles d’olive 18:1 qui vient de planter 120 hectares d’oliviers à Uzès (30), ont fait le choix de produire des huiles monovariétales, très typées, à des prix abordables. Grandes exploitations, moyens de production ultra-modernes, hygiène irréprochable des installations sont les clés de cette démarche qui ouvre de nouvelles perspectives à l’huile d’olive française.