Œufs Poulehouse : des œufs à prix d’or pour sauver les poules
Depuis le 5 septembre, la société Poulehouse commercialise via le réseau de magasins Biocoop des œufs bio issus de poules pondeuses qui n’iront pas à l’abattoir. Des œufs qui ne tuent pas les poules, mais portent un sérieux coup au portefeuille, à 6 € la boîte de six ! Quelles garanties offrent ces œufs de poules à prix d’or ?
Chaque année en France, 50 millions de poules pondeuses naissent et meurent. Entre les deux, peu de répit. Vers dix-huit mois, quand leur cycle de ponte commence à décliner, sonne déjà l’heure de la réforme pour les volatiles qui partent à l’abattoir. Et très peu d’entre elles auront l’honneur posthume de finir dans un plat noble. Les poules pondeuses n’ayant pas été sélectionnées pour développer une chair dodue, une petite partie servira en France à faire des farines animales ou des bouillons-cubes et une majorité partira congelée vers les pays tiers, en particulier l’Afrique. Une situation absurde pour Fabien Sauleman, sympathisant de la cause animale et fondateur de la société Poulehouse, qui commercialise depuis le 5 septembre « le premier œuf qui ne tue pas les poules » dans 240 magasins Biocoop répartis sur l’ensemble du territoire.
L’entreprise qui s’est fait connaître via le site de financement participatif Kiss Kiss Bank Bank se revendique comme la première offre commerciale respectueuse des poules. Sa promesse : « sauver » des poules pondeuses de l’abattoir pour leur offrir l’opportunité de continuer à vivre paisiblement jusqu’à leur fin de vie, qui survient généralement entre 6 et 10 ans. Pour ce faire, Poulehouse a signé des contrats avec quatre agriculteurs bio en Normandie, Hauts-de-France et Centre-Val de Loire qui s’engagent par contrat à céder les poules consacrées au projet. Soit 9 000 en tout, qui représentent une partie de leur production. Les gallinacés seront accueillis à partir de février 2018 à la Maison des Poules, une ferme-refuge que l’entreprise a d’ores et déjà achetée en Haute-Vienne.
1 ŒUF = 1 €
Une retraite qui a un prix pour le consommateur : 6 € la boîte de 6. Soit 2 à 3 fois le prix d’œufs bio « classiques », et 4 fois celui d’œufs de plein air ! « Nous avons conscience que ce prix est très élevé. Mais nos œufs trouvent un public, pas uniquement composé de consommateurs aisés prêts à cet effort financier par conviction », déclare Fabien Sauleman qui, transparent, reconnaît que ce prix conséquent comprend une marge de sécurité liée aux nombreuses incertitudes qui entourent ce projet inédit : « Quelle sera la durée de vie réelle des poules, l’implication des producteurs, la nécessité de construire ou non d’autres refuges, la productivité des vieilles poules… Nous l’ignorons pour l’heure ! ». En revanche, la rémunération des éleveurs est bien déterminée : « Ils seront mieux payés par Poulehouse que par la grande distribution pour des œufs bio, mais sans doute moins qu’ils ne peuvent l’être en vente directe. » Si ce prix pourra en dérouter plus d’un, force est de constater que le secteur des œufs, notamment perturbé par l’affaire des œufs contaminés au fipronil et de multiples scandales de maltraitance animale, prend un virage vers le haut de gamme. Selon l’institut Nielsen, suite à la crise sanitaire lié au fipronil, plutôt que de boycotter les œufs, les consommateurs se sont tournés vers le haut de gamme – bio et plein air – qui a joué un rôle de « réassurance » selon l’institut.
Quant aux poules réformées, elles ne seront pas au chômage pour autant, car après 18 mois, les volatiles continuent à pondre. La société espère ainsi pouvoir commercialiser les œufs conformes à la vente. Quant aux œufs de casse (consommables mais ne répondant pas aux normes de vente d’œufs entiers pour des raisons de calibre), la firme envisage de les utiliser en tant qu’ovoproduits (dérivés d’œuf pour l’agroalimentaire), en partenariat avec des entreprises qui soutiennent sa démarche ou sous sa propre marque.
Le modèle économique de Poulehouse reste donc à affiner, mais s’il se dégage des bénéfices, l’entreprise s’engage à baisser les prix de vente. « Nous le souhaitons même, car notre but est de toucher un maximum de personnes », déclare Fabien Sauleman.
D’AUTRES PROBLÈMES DEMEURENT
Si le projet marche et que la demande augmente, les poules pourront-elles toutes être sauvées ? « La Maison des Poules peut accueillir 18 000 animaux, mais le but à terme n’est pas de multiplier les refuges. C’est une étape clé pour gagner la confiance des éleveurs et leur donner envie de se lancer avec nous. L’idée à terme est qu’eux-mêmes envisagent de les garder en créant des bâtiments supplémentaires pour les poules vieillissantes, tout en les laissant en production aussi longtemps que possible. »
Interrogée sur cette démarche inédite, Brigitte Gothière, présidente de l’association de défense des animaux d’élevage L214, estime que c’est « une initiative que l’on peut saluer, mais qui ne règle pas de nombreux problèmes liés à l’exploitation des poules pondeuses, comme la surconcentration des animaux en élevage, même bio, ou les pratiques cruelles telles que l’épointage des becs ou l’élimination des poussins mâles ».