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Lutte contre la fraude fiscale – Le projet de loi promet la fin de l’opacité

La lutte contre l’évasion fiscale pourrait devenir plus efficace en France. L’Assemblée nationale vient en effet d’adopter, dans le cadre du projet de loi contre la fraude, la suppression d’un dispositif très décrié : le monopole de l’administration fiscale dans la poursuite des fraudeurs. Explications.

 

C’est une décision que même les organisations syndicales et organisations non gouvernementales (ONG) engagées dans la lutte contre l’évasion fiscale n’imaginaient guère possible il y a un an ! L’Assemblée nationale a voté le 19 septembre, en première lecture du projet de loi de lutte contre la fraude, la fin du monopole du ministère du Budget en matière de poursuites pénale contre les fraudeurs fiscaux les plus importants. Le mécanisme, connu sous le nom de « verrou de Bercy », a été mis en place dans les années 1920. En vertu de ce dispositif, les juges ne peuvent instruire que les affaires que Bercy accepte de lui transmettre. Or, dans la pratique, bien peu d’entreprises connaissent ce sort. L’administration fiscale privilégie en effet, la plupart du temps, le recouvrement à l’amiable (et discret !) de sommes toujours inférieures à celles réellement dues. Sur 16 000 infractions fiscales graves constatées chaque année, seules 1 000 seraient ainsi transmises actuellement à la justice. « Toute cette opacité profite aux fraudeurs. Sans publicité, les sanctions prises par Bercy perdent une grande partie de leur caractère dissuasif vis-à-vis des entreprises », souligne Vincent Charmoillaux, vice-procureur et secrétaire national du Syndicat de la magistrature.

Essai à confirmer…

La disposition adoptée cette semaine, à la quasi-unanimité des députés, prévoit que les dossiers de fraude soient désormais automatiquement transmis au procureur de la République dès qu’ils dépassent 100 000 €. Pour les syndicats et ONG, cette décision a été rendue possible par l’évolution des mentalités, notamment depuis l’affaire Cahuzac. Restent néanmoins des bémols importants. Pour commencer, il faut que le vote des députés soit confirmé. Le texte du projet de loi de lutte contre la fraude va en effet à présent être examiné par la commission mixte paritaire (CMP) du Parlement avant adoption définitive. Il faut en outre savoir que le texte adopté par les députés, s’il représente une avancée importante, reste perfectible : le projet de loi prévoit la possible signature d’une « convention judiciaire d’intérêt public » (CJIP) pour les fraudeurs poursuivis au pénal. En contrepartie d’une amende négociée, le parquet abandonnerait alors les poursuites. Ce dispositif, inspiré du droit anglo-saxon, est destiné à accélérer les procédures (qui ont un coût financier pour la justice), mais il affaiblit la portée dissuasive de la sanction. « L’entreprise qui accepte l’amende ne sera pas jugée et ne verra pas son image “abîmée”. Or c’est bien cette contre-publicité qui effraie le plus les grandes sociétés », insiste Vincent Charmoillaux.

Se pose ainsi à nouveau la question cruciale des moyens financiers impartis à la justice. Comme nous le confiait il y a quelques mois l’ancienne juge d’instruction Eva Joly lors de notre enquête sur l’évasion fiscale au sein de l’enseigne KFC, « Pour lutter efficacement contre l’évasion fiscale, il faut que les juges d’instruction aient des moyens ! En 15 ans, leur nombre a fondu au pôle financier de Paris (27 en 2001, 13 en 2007 et 8 désormais), de même qu’à celui de Nanterre (de 7 en 2007, ils sont passés à 3 en 2012).

 

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