Extracteur de jus VS centrifugeuse (vidéo) : nos analyses en laboratoire
« Remisez presse-agrumes et centrifugeuses au placard, l’extracteur est LA machine à jus qu’il vous faut pour faire le plein de vitamines ! » C’est ce que voudraient nous faire avaler les acteurs du secteur, qui surfent sur le business très lucratif des régimes détox à base de jus, vantant les bienfaits nutritionnels parfois fantaisistes des extracteurs de jus. Nous avons confronté ce laïus commercial à des analyses en laboratoire.
VITAMINES ET ANTIOXYDANTS : PAS DE DIFFÉRENCES NOTABLES
Argument phare des fabricants, les centrifugeuses dotées d’une râpe tournant à plus de 1 000 tours par minute provoqueraient une montée en température et une incorporation d’air qui dénatureraient les vitamines et antioxydants des végétaux. Là où le pressage lent des extracteurs permettrait de mieux les préserver. Nous avons mesuré la température des jus à la sortie des 9 extracteurs de notre test et de 4 centrifugeuses. Elle a été comparée à celles des fruits, juste avant pressage. Résultat, les écarts de température sont globalement semblables entre extracteurs et centrifugeuses, et leur impact équivalent sur les teneurs en nutriments. Notons que le plus gros échauffement mesuré pour un jus d’orange (+ 3 °C) provient d’un extracteur, le H.Koenig GSX12 ! En parallèle, nous avons fait analyser la teneur en vitamines et antioxydants de jus (200 ml) réalisés à partir de mêmes lots de fruits par ces 13 appareils, ainsi que par 3 blenders et 3 presse-agrumes (ces derniers pour les seules oranges). Au final, quel que soit l’appareil employé, les jus faits maison ont des teneurs en vitamines et antioxydants équivalentes ! De quoi jeter un froid sur l’argumentaire des vendeurs.
FIBRES : ELLES SONT PEU PRÉSENTES, DOMMAGE !
Les extracteurs comme les centrifugeuses retiennent largement la pulpe et les fibres des végétaux. Pratique pour ceux – surtout les enfants – qui préfèrent les jus sans pulpe, mais cela les prive de nutriments précieux. Nos analyses montrent que les teneurs en fibres des jus d’orange, pomme et carotte obtenues par extracteurs sont toutes inférieures à 0,5 g/100 g, couvrant moins de 2 % des apports quotidiens recommandés en fibres pour un verre de 200 ml pour un adulte. Dommage, pour le Pr Nathalie Delzenne, chercheuse en nutrition à Bruxelles : « Nous n’en consommons pas assez. En un siècle, notre alimentation s’est enrichie en aliments pauvres en fibres comme les produits laitiers, les pâtisseries ou la viande, et notre consommation de fibres est passée à moins de 20 g par jour. » Or les fibres engendrent des effets physiologiques intéressants, comme la baisse du cholestérol sanguin, la réduction des pics de glycémie ou encore l’alimentation de notre flore intestinale, le fameux microbiote, dont on découvre aujourd’hui les nombreuses implications notamment dans le système immunitaire ou la régulation du poids. Les autorités de santé recommandent donc la consommation de céréales, de légumes secs et, bien sûr, de fruits et légumes pour atteindre les 25 à 35 grammes de fibres par jour dont notre corps a besoin.
CURES DE JUS : LE PLEIN DE SUCRES
Attention aux mirages des cures détox à base de jus ! Très en vogue, ces monodiètes sont très déséquilibrées. Les fruits et légumes ne contiennent quasiment pas de protéines. Et hormis les fruits oléagineux (amandes, avocats), quasiment pas de lipides. Beaucoup sont en revanche riches en sucres naturels, mais sans les fibres qui les accompagnent dans le fruit frais. Dès lors, ils sont vite assimilés et augmentent fortement la glycémie. « Si l’on a craqué pour un appareil, l’idéal est de se composer un jus de légumes, moins sucré, et d’y ajouter un fruit. Par exemple, un mélange carotte, orange et gingembre ou épinards, fenouil et pomme », détaille le Dr Laurence Plumey, médecin nutritionniste auteur du Grand livre de l’alimentation aux éditions Eyrolles. Sans oublier qu’un verre de jus de fruits, même frais, ne peut contribuer qu’à 1 des 5 fruits ou légumes par jour.
ENTIERS, PRESSES OU EN BOUTEILLES : COMMENT CONSOMMER FRUITS ET LÉGUMES
Orange
Les verres (200 ml) des jus réalisés avec les différents appareils étudiés (extracteurs, centrifugeuses et presse-agrumes) présentent des teneurs en vitamine C qui s’échelonnent de 48 mg/100 g (extracteur H.Koenig GSX12) à 64 mg/100 g (extracteur Philips HR1895/80). Ils couvrent ainsi plus de 100 % des apports journaliers recommandés (AJR) en vitamine C pour un adulte (80 mg/j). En comparaison, les deux verres de jus d’orange du commerce que nous avons analysés n’en fournissent qu’un peu plus de la moitié. Tous contribuent en revanche à 30 % des apports en vitamine B9. Mais fournissent l’équivalent de 3 à 4 morceaux de sucres par verre contre 2,5 morceaux pour un fruit entier. Côté jus, le bilan global plaide en faveur du fait maison, mais pas forcément des extracteurs. Notons également que la consommation du fruit entier apporte 74,4 mg/100 g de vitamine C et procure plus de fibres que celle d’un jus : environ 13 % des apports souhaitables couverts contre 2 % maximum pour un verre de jus.
Carotte
Tous les jus analysés – issus d’extracteurs, centrifugeuses, blenders ou du commerce – couvrent 100 % des apports journaliers recommandés en bêtacarotène (ou provitamine A) soit 4,8 mg/j. Cela étant, les extracteurs se distinguent positivement pour la vitamine B9, un verre de jus apportant environ 25 % de l’apport journalier recommandé contre 20 % en moyenne pour les centrifugeuses. Une carotte entière non pelée en apporte 13 %, mais elle fournit moins de sucre (9 % des apports de référence, AR) qu’un verre de jus (15 % des AR qui représentent l’équivalent de 2 à 3 morceaux par verre de 200 ml), et apporte plus de fibres : 18 % contre 2 % maximum des apports souhaitables pour les jus.
Pomme
Une pomme fournit moins de sucre qu’un verre de jus du commerce et qu’un jus préparé à l’extracteur ou à la centrifugeuse (20 % des AR en sucres contre 25 à 27 %, soit plus de 4 morceaux de sucres). Pour les fibres, c’est aussi la consommation du fruit entier qui contribue le plus fortement aux apports recommandés : 10 % pour une pomme avec sa peau contre au plus 2 % pour un jus. Nos mesures montrent, enfin, que les jus de pomme du commerce et les pommes entières avec leur peau ont des pouvoirs antioxydants supérieurs à ceux des autres préparations. Pour les jus du commerce, cela pourrait s’expliquer par l’ajout, autorisé, d’acide ascorbique (vitamine C), un antioxydant notoire.