Projet de loi agriculture et alimentation : la grande désillusion !
A l’issue de l’examen par les députés du projet de loi agriculture et alimentation, la moutarde me monte au nez en voyant se confirmer mes craintes initiales que les agapes des Etats Généraux de l’Alimentation n’aient été qu’une mascarade pour faire avaler des hausses de prix aux consommateurs sans ambition aucune concernant l’élévation de la qualité de l’offre alimentaire.
Alors que l’UFC-Que Choisir, aux côtés de nombreux représentants de la société civile, avait formulé des propositions innovantes pour une alimentation saine, sûre, durable et accessible à tous, Stéphane Travert, aux fourneaux, nous a concocté son projet de loi en suivant la vieille recette du pâté d’alouette : un cheval de mesures rédigées par les lobbys professionnels, à peine relevé de quelques mesurettes progressistes.
En effet, les 50 % de produits plus durables en restauration collective (il faut relever, ce que font rarement les médias qu’on est en présence d’une notion floue car il n’est pas question de produits bios) ou l’amélioration de l’étiquetage des aliments, ne sauraient faire oublier que le Gouvernement a servi aux députés un projet de loi bien light, allégé de toutes les avancées que les professionnels ne voulaient digérer, et a bloqué bon nombre d’initiatives des représentants de la Nation. A la poubelle la transition écologique de l’agriculture ou l’amélioration de la qualité nutritionnelle, place au relèvement du seuil de revente à perte (SRP) occasionnant aux consommateurs entre 1,5 et 5 milliards d’euros d’inflation en deux ans ! A la trappe l’évaluation indépendante des molécules de pesticides ou l’augmentation des effectifs des services de contrôle, place à l’encadrement des promotions sans la moindre démonstration de son impact sur le revenu agricole ! Même sur un dossier aussi crucial que la protection des enfants contre le marketing, le Gouvernement a cédé au lobbying éhonté des chaînes de télévision, récemment révélé par la presse.
Enfin, je ne peux terminer ce billet sans m’insurger contre les propos du Député Jean-Baptiste Moreau, rapporteur du projet de loi, affirmant devant l’ensemble des députés que l’étude qui nous a permis d’estimer l’impact inflationniste du relèvement du SRP serait « sponsorisée par Michel-Édouard Leclerc ». Je réfute absolument cette affirmation inadmissible, alors que l’UFC-Que Choisir a toujours défendu avec la plus grande vigilance son indépendance, notamment vis-à-vis des intérêts professionnels ou politiques, et que cette étude n’est que la traduction de la propre étude d’impact… du Gouvernement ! Mais si le nom de notre Association a été cité à cette occasion, j’en tire au moins la gloire qu’en rendant le SRP compréhensible aux médias et aux citoyens, nous aurons obligé les promoteurs de cette mesure à avouer à demi-mot son incapacité à relever le revenu agricole. Alors que Jean-Baptiste Moreau avouait n’avoir aucune garantie que la marge dégagée soit versée aux producteurs, Stéphane Travert, quant à lui, qualifiait la mesure de « pari ». Un pari, quel aveu, mais qui ne fait prendre le risque qu’aux consommateurs !
Ayant fait ce triste bilan, c’est désormais au Sénat que l’UFC-Que Choisir entend porter son combat, notamment en faisant entendre la voix des près de 250.000 consommateurs réclamant, comme nous, l’inscription dans la loi de l’engagement présidentiel d’interdire le glyphosate sous 3 ans.