Produits cosmétiques – Une utilisation réelle très supérieure à celle estimée
Jusqu’à présent, les connaissances sur nos consommations de produits cosmétiques étaient si parcellaires qu’il était difficile de bien évaluer les risques. Une étude récente permet de franchir un grand pas et montre que les quantités utilisées sont parfois bien supérieures à ce que pensaient les experts.
Seize chaque jour ! Cela paraît démesuré et pourtant c’est le nombre moyen de produits cosmétiques que les femmes utilisent, selon une étude récemment finalisée par le Laboratoire d’évaluation du risque chimique pour le consommateur (Lercco) de l’université de Brest. Les chercheurs ont planché pendant trois ans et demi pour tenter de mieux cerner la consommation de cosmétiques des Français. Un travail indispensable pour garantir la sécurité sanitaire des produits. Explication : les fabricants introduisent parfois dans leurs formules des composés susceptibles d’effets délétères. Ces effets dépendent généralement de la dose (1). Lorsque les autorités sanitaires ont à évaluer le risque engendré par ces composés, elles doivent donc savoir en quelle quantité les produits sont employés. En croisant le danger intrinsèque de l’ingrédient avec l’exposition des consommateurs à cet ingrédient, elles peuvent évaluer le risque. Et autoriser la substance sans limite ou fixer une quantité maximale dans telle et telle famille de cosmétiques, voire l’interdire. On comprend l’intérêt de bien cerner la consommation des produits « dans la vraie vie ». Or, de façon très surprenante, jusqu’à présent, elles se contentaient d’informations extrêmement vagues.
Les utilisateurs ont la main lourde
« Les données dataient des années 2000 et il y avait des lacunes énormes : seule une dizaine de produits étaient concernés ; on ne connaissait rien de l’exposition des enfants ; hommes et femmes n’étaient pas séparés, etc. », explique Alain-Claude Roudot, directeur du Lercco. Des lacunes comblées grâce à une enquête par téléphone et Internet auprès de plus de 20 000 personnes, et des rencontres avec un millier d’autres pour les mettre en conditions d’utilisation et évaluer les quantités mises en œuvre. « Nous avons eu des surprises, raconte le chercheur. Seize produits en moyenne quotidienne par femme, nous n’aurions jamais imaginé cela. Ni que les femmes enceintes, loin de pratiquer la modération, en consomment encore plus puisqu’elles rajoutent une crème antivergetures. Cinq cosmétiques en moyenne chez les enfants, c’est aussi beaucoup. Les lingettes, notamment, sont employées à tort et à travers, y compris pour essuyer la bouche ou les mains. Il vaudrait mieux se contenter d’un produit lavant et éviter le maquillage, adopté très tôt. »
Autres découvertes que seules des rencontres en vis-à-vis ont permis, celles portant sur les quantités. « Les fabricants de dentifrices conseillent de mettre sur la brosse l’équivalent d’un petit pois, poursuit Alain-Claude Roudot. En réalité, les personnes interrogées lors de cette étude recouvrent toute la brosse. L’exposition réelle se révèle bien supérieure à celle prise en compte jusqu’ici. Quant aux crèmes solaires, on en utilise beaucoup moins que ce qui est préconisé chez les adultes, donc le facteur de protection ne correspond pas à la réalité, et beaucoup plus chez les enfants, sauf dans le cas des sprays où les quantités sont inférieures pour tout le monde. »
Au final, les enfants sont trente fois plus exposés aux composés des dentifrices que ce qui est estimé jusqu’à maintenant, et cinq fois plus à ceux des lingettes. Les femmes, huit fois plus à ceux des crèmes visage, pour prendre quelques exemples. Les autorités sanitaires pourront désormais se servir de ce rapport pour mieux évaluer les risques, notamment ceux dus à l’exposition cumulée à certains composés via différents cosmétiques. Nous le consulterons également dans le cadre de nos enquêtes et essais comparatifs.
(1) Même si les perturbateurs endocriniens échappent en partie à ce principe avec des effets possibles à dose infime, et pas toujours linéaires.